Référence de cette page : Michel Potier Montgeron


 Référence de cet article : Le Parisien Abonnés Île-de-France & Oise Essonne
 Auteur: Laurent Degradi

 Voir l'article : Vigneux-sur-Seine : ces passionnés sortent de l’oubli le crime de guerre du 18 août 1944.


Extrait de l'article

Vigneux-sur-Seine:

Cinq habitants de Montgeron et Vigneux sont tombés sous le feu des soldats allemands au lieu-dit La Longueraie de Vigneux en août 1944. Un épisode tragique sorti des oubliettes grâce au travail acharné d’historiens amateurs.

 

 Suzanne et René Bordier, tués par des soldats allemands en août 1944, avec leur fils Jean dans les bras.

Suzanne et René Bordier, tués par des soldats allemands en août 1944, avec leur fils Jean dans les bras.

 

Par Laurent Degradi

Le 20 octobre 2020 à 13h38, modifié le 20 octobre 2020 à 13h42

C'est la petite histoire noyée dans la grande. Celle, tragique, des époux Bordier abattus froidement par des soldats allemands le 18 août 1944 à Vigneux sur Seine au lieu-dit de La Longueraie.
Suzanne Bordier a 36 ans lorsqu'elle tombe sous les balles. Elle est enceinte du troisième enfant de ce couple qui réside à Montgeron. Lors de cette terrible journée, trois autres civils vont trouver la mort dans la fusillade : Marthe Gourdet, Augustin Derveaux et Ibrahim Kattara.

Une cérémonie du souvenir s'est tenue le 11 octobre 2020

Effacée des mémoires, cette tuerie a été sortie des oubliettes grâce aux efforts d'associations d'anciens combattants et d'historiens locaux passionnés. Un travail symbolisé par la cérémonie officielle qui s'est tenue le 11 octobre à Vigneux à l'endroit même de ce drame. Une stèle hommage aux victimes de ce 18 août 1944 a été dévoilée en présence notamment de Thomas Chazal, maire (LR) de la commune, François Durovray, président (LR) du conseil départemental, de la sénatrice (LR) Laure Darcos et de descendants de ces victimes.

 

Vigneux-sur-Seine, le 11 octobre 2020. Une cérémonie réunissant des élus et des proches des époux Bordier, tués par des soldats allemands en 1944, s’est tenue sur le lieu du crime. DR

Vigneux-sur-Seine, le 11 octobre 2020. Une cérémonie réunissant des élus et des proches des époux Bordier, tués par des soldats allemands en 1944, s’est tenue sur le lieu du crime. DR  

 

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« Le débarquement a eu lieu deux mois plus tôt et l'armée allemande est sous tension. Début août, des grèves massives se déclenchent. Elles sont particulièrement suivies par les cheminots de Villeneuve-Saint-Georges qui bloquent les entrepôts de Villeneuve-Triage », relate Jean Fornal, membre de l'Association des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC) de Vigneux qui a beaucoup travaillé, aux côtés du passionné d'histoire Gilles Primout, pour mettre au jour ce tragique épisode.

Conséquence de ces blocages, un train plein de vivres est abandonné sur la voie ferrée qui longe la rue de la Longueraie. La nouvelle se propage et, en ces temps de privation, une foule compacte converge rapidement vers le convoi. Sur place, les soldats allemands tentent de disperser la foule. « Ils sont nerveux. Et, furieux de ne pas être entendus, ils ouvrent le feu », poursuit Jean Fornal. La fusillade fait cinq victimes civiles parmi lesquelles les époux Bordier venus avec leur fils Jean. Agé d'à peine 10 ans, le petit garçon court vers le corps de ses parents quand un homme surgit et le met à l'abri des tirs.

«Mon père n'a jamais rien caché de cette histoire»

Soixante-seize ans après ce crime de guerre, Sylvie Charbonnier était elle aussi présente à l'hommage du 11 octobre dernier. Cette femme de 61 ans, installée dans le Loiret, est la fille de Jean Bordier, le petit garçon rescapé de ce 18 août tragique. « Mon père n'a jamais rien caché de cette histoire. Aussi loin que je m'en souvienne, j'en ai toujours entendu parler », confie la petite-fille de Suzanne et René Bordier.

« Lorsque j'étais enfant, cet épisode ne m'a jamais particulièrement choquée, reprend-elle. C'est en prenant de l'âge que j'ai pris conscience de ce qu'avaient vécu mes grands-parents. Le fait qu'une stèle soit érigée à l'endroit même où ils ont été tués m'a beaucoup touchée. Mon seul regret est que mon père ait disparu avant d'avoir pu assister à cet événement. Il a été reconnu pupille de la Nation. Toute sa vie, il a été quelqu'un d'assez dur. Je comprends mieux pourquoi maintenant. Cet épisode de son enfance a dû le marquer profondément. »

Reconnus Morts pour la France

Les noms de Suzanne et René Bordier, ainsi que celui de Marthe Gourdet, figurent sur le monument aux morts de la ville de Montgeron parmi ceux des victimes civiles du conflit de 39-45. Le statut de Morts pour la France leur avait été accordé à l'issue des faits tragiques de ce 18 août 1944. Une reconnaissance dont n'avaient pas bénéficié les deux autres tués Augustin Derveaux et Ibrahim Kattara, tous deux habitants de Vigneux-sur-Seine. Afin d'obtenir réparation de cet « oubli », les membres de l'ARAC fouillent les archives, consultent les actes de décès des deux hommes et retrouvent même trace des enquêtes de gendarmerie de l'époque.

 « Nous avons constitué un dossier solide que nous avons remis au maire », rappelle Jean Fornal. Ce travail minutieux permet à la municipalité de saisir le ministère des Anciens Combattants et victimes de guerre, en septembre 2019, par l'intermédiaire de la sénatrice de l'Essonne Laure Darcos. Deux mois plus tard, l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) accorde officiellement le statut de Morts pour la France à Augustin Derveaux et Ibrahim Kattara, morts respectivement à 44 ans et 33 ans sous les balles ennemies.

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Pour me contacter au sujet du présent article : MP QN

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